"Je sais que je réagis trop fort, mais je n'arrive pas à m'en empêcher." Si cette phrase te parle, tu n'es pas seul(e). La plupart des conflits de couple ne viennent pas du désaccord lui-même — mais de l'incapacité à gérer l'intensité émotionnelle qu'il déclenche.
Et c'est exactement là que tout se joue. Pas dans le "bon" ou le "mauvais" argument. Pas dans qui a tort ou raison. Mais dans la capacité — ou non — de chacun à rester connecté à soi-même quand les émotions s'emballent.
Ce qu'il faut comprendre
La régulation émotionnelle n'est PAS le contrôle émotionnel. Tu ne vas pas apprendre à "ne plus rien ressentir". Tu vas apprendre à ressentir sans être submergé(e), à réagir plutôt qu'à réagir, à choisir ta réponse plutôt que de la subir.
Pourquoi c'est si difficile en relation amoureuse ?
Les relations amoureuses activent notre système d'attachement. Et ce système, il est câblé pour la survie. Quand tu sens ton couple menacé — même par une simple remarque mal interprétée — ton cerveau réagit comme si ta vie était en danger.
Cortisol, adrénaline, accélération cardiaque. Le néocortex (la partie rationnelle) se met en veille. Tu passes en mode survie. Et en mode survie, on ne dialogue pas — on attaque, on fuit, ou on se fige.
Thomas, 42 ans, dirigeant d'entreprise. Habitué à gérer des équipes, des négociations tendues, des décisions à plusieurs millions. Mais dès que sa femme lui dit "on doit parler", il se ferme comme une huître. Ou il explose. Deux ans de coaching pour comprendre que ce n'était pas un problème de "caractère" — c'était son système nerveux qui le hijackait.
Les deux extrêmes de la dérégulation
Quand la régulation fait défaut, on observe généralement deux patterns opposés :
Hyperactivation
Le système nerveux s'emballe. Tu ressens TROP, TROP FORT.
- • Anxiété intense, pensées qui tournent en boucle
- • Besoin urgent de résoudre, de parler, de se rassurer
- • Explosions émotionnelles, cris, pleurs incontrôlables
- • Incapacité à lâcher prise, à attendre
Hypoactivation
Le système nerveux se coupe. Tu ne ressens PLUS RIEN.
- • Engourdissement émotionnel, sensation de vide
- • Retrait, silence, fermeture
- • Difficulté à identifier ce que tu ressens
- • Dissociation (impression d'être "ailleurs")
Certaines personnes oscillent entre les deux (notamment avec un attachement désorganisé). D'autres sont plutôt d'un côté ou de l'autre — souvent l'hyperactivation pour l'attachement anxieux, l'hypoactivation pour l'attachement évitant.
Ce que mes collègues psychologues observent aussi
En supervision, on voit souvent ce pattern : le couple "poursuivant-distanceur". L'un poursuit (hyperactivation), l'autre se ferme (hypoactivation). Plus l'un poursuit, plus l'autre se ferme. Plus l'autre se ferme, plus l'un poursuit. Un cercle vicieux classique.
Les bases de la régulation : revenir au corps
Je vais te dire quelque chose que les approches purement "mindset" n'aiment pas entendre : tu ne peux pas penser ta sortie d'une crise émotionnelle. Ton néocortex est hors ligne. Répéter "calme-toi" ne sert à rien — le cerveau émotionnel ne parle pas ce langage.
Ce qui marche ? Passer par le corps. Le système nerveux autonome se régule par des inputs physiques, pas mentaux. C'est pour ça que les techniques corporelles sont si puissantes — et souvent sous-estimées.
Technique #1 : La respiration 4-7-8
Simple, discret, efficace. Tu peux le faire en pleine dispute sans que personne ne le remarque.
- 1 Inspire par le nez pendant 4 secondes
- 2 Retiens ton souffle pendant 7 secondes
- 3 Expire lentement par la bouche pendant 8 secondes
- 4 Répète 3 à 4 cycles
(L'expiration longue active le nerf vague et enclenche le mode "repos et digestion" du système nerveux. Ce n'est pas du folklore — c'est de la neurobiologie.)
Technique #2 : L'ancrage sensoriel
Quand tu sens que tu "décolles" (dissociation, pensées qui s'emballent), ramène-toi dans le présent par les sens :
La technique 5-4-3-2-1 :
- • Nomme 5 choses que tu VOIS
- • Nomme 4 choses que tu TOUCHES
- • Nomme 3 choses que tu ENTENDS
- • Nomme 2 choses que tu SENS (odeurs)
- • Nomme 1 chose que tu GOÛTES
Technique #3 : Le contact physique auto-apaisant
Pose une main sur ton cœur, l'autre sur ton ventre. Respire. Ce geste simple libère de l'ocytocine et envoie un signal de sécurité au cerveau. Tu peux aussi croiser les bras et te donner une légère pression sur les épaules (le "butterfly hug" utilisé en EMDR).
Réguler en plein conflit : le protocole STOP
Quand la dispute dégénère, voici un protocole simple que j'enseigne à tous mes clients :
Protocole STOP
-
S
Stop
Arrête-toi. Physiquement si possible. Dis "j'ai besoin d'une pause" (pas "tu m'énerves, je m'en vais").
-
T
Take a breath
3 respirations profondes. Rien de plus. Juste respirer.
-
O
Observe
Qu'est-ce que tu ressens dans ton corps ? Où est la tension ? Mâchoire ? Épaules ? Ventre ?
-
P
Proceed
Reviens à la conversation QUAND tu te sens plus calme. Pas avant. Même si ça prend 20 minutes ou 2 heures.
"Mais s'il/elle interprète ma pause comme une fuite ?" Question fréquente. La clé : établir ce protocole AVANT les conflits, en période calme. Expliquer à ton/ta partenaire que cette pause n'est pas un rejet, mais un outil pour revenir vers lui/elle de façon constructive.
La régulation au quotidien : prévenir plutôt que guérir
Gérer une crise, c'est bien. Ne pas la déclencher, c'est mieux. La régulation émotionnelle se cultive au quotidien — pas juste en situation d'urgence.
Ta routine de régulation quotidienne
- Le matin : 5 minutes de respiration consciente avant de regarder ton téléphone
- En journée : 3 "check-ins" avec ton corps. Comment je me sens, là, maintenant ?
- Mouvement : Une activité physique régulière (le système nerveux a besoin de bouger pour se réguler)
- Le soir : Journal de gratitude OU scan corporel avant de dormir
- Sommeil : 7-8h minimum. Un système nerveux fatigué dérégule plus vite.
Quand le coaching ne suffit pas
Je ne suis pas certaine que le coaching seul soit la meilleure approche pour tous les profils. Si tu vis des dérégulations intenses, fréquentes, qui t'empêchent de fonctionner — ce n'est peut-être pas du "développement personnel" dont tu as besoin. C'est d'un suivi thérapeutique.
Signes qu'un suivi psy est nécessaire : crises de panique récurrentes, dissociation fréquente (tu "quittes ton corps"), automutilation ou pensées suicidaires, flashbacks traumatiques, incapacité à fonctionner au quotidien (travail, relations). Dans ces cas, cherche un(e) psy spécialisé(e) en trauma — EMDR, ICV, thérapie somatique.
Un mot sur la co-régulation
La régulation émotionnelle n'est pas qu'un travail individuel. Dans un couple sécure, les partenaires se régulent mutuellement. Le calme de l'un apaise l'autre. C'est ce qu'on appelle la co-régulation — et c'est biologiquement programmé.
Problème : si les deux partenaires sont dérégulés en même temps, c'est l'escalade garantie. D'où l'importance que AU MOINS UN des deux sache revenir en zone de régulation. Et idéalement, les deux.
Les recherches de Sue Johnson sur l'attachement adulte montrent que les couples qui apprennent à se co-réguler voient une amélioration significative de leur satisfaction relationnelle — et de leur santé physique. Le lien corps-émotion-relation est réel.
Ma pratique personnelle de danse-contact m'a appris quelque chose de fondamental : la régulation passe par le contact. Pas juste le contact physique — le contact émotionnel. Être vraiment présent(e) à l'autre, sans chercher à fuir ni à contrôler. C'est simple à dire, difficile à faire. Et ça change tout.
Maëva Corentin
Coach certifiée ICF, spécialisée en Analyse Transactionnelle et théorie de l'attachement. Après 8 ans en RH et un burnout qui a tout remis en question, j'accompagne depuis 4 ans les personnes qui veulent sortir de leurs répétitions amoureuses. Pratique personnelle de méditation et de danse-contact pour une régulation émotionnelle incarnée.
Article mis à jour le
Sources et références
- Resalib - Annuaire des coachs certifiés — Référencement des professionnels certifiés en France
- MantraCoach - Spécialisation Life Coach — Ressources sur les approches de coaching de vie
- Mon Coach Franchise — Informations sur le métier de coach